Programmes de recherche

Limitation des altérations organoleptiques d’origine microbienne

Organisme pilote

IFPC : Rémi BAUDUIN - remi.bauduin@ifpc.eu

Partenaires

Association de Recherche Appliquée à la transformation Cidricole - Chambre d’Agriculture des Côtes d’Armor -  Association pour la Promotion des Produits Cidricoles du Maine – Unité de Recherche Cidricole INRA Le Rheu – Laboratoire Départemental Franck Duncombe

Financement



Etude 1 : Maîtriser le risque phénols volatils en cidrerie

Contexte

Actuellement, un certain nombre de retours fait par soit des personnes techniques (conseillers cidricoles, responsables qualité) ou des transformateurs (cidriers) fait état de la présence en quantité significative de produits présentant des odeurs dites « animales ».

Le travail réalisé sur la caractérisation des cidres (2003) a mis en évidence, aussi bien sur le plan organoleptique que sur le plan analytique, qu’un nombre important de cidres présentait des caractéristiques d’odeurs « animales ». Qualitativement, cette caractéristique a été jugée très importante car c’était le critère discriminant pour la classification des produits suivant un axe « animal » - « fruité ».

S’il existe encore dans la filière une discussion sur un éventuel effet positif des odeurs animales en très faible quantité, il existe un consensus pour affirmer qu’en quantité importante cela devient un vrai problème organoleptique, ces odeurs étant considérées comme ayant un impact négatif sur le produit. Or, actuellement aucun moyen n’existe pour maîtriser la génération de ces composés aromatiques. Donc l’objectif est de limiter au maximum ces odeurs animales dans les produits.

Ce défaut touche peu les produits industriels et concerne en général les produits non pasteurisés. Malgré le fait que ces derniers produits ne représentent qu’une minorité des volumes (~20 %), ils contribuent fortement à l’image du cidre et représentent le segment qui se développe le plus rapidement.

Objectif

Acquisition de références :

  • Suivi de l’évolution des phénols volatils
  • Evaluation de tests de détection de Brettanomyces

Technologie :

  • Validation de méthodes de nettoyage-désinfection du matériel lié à l’embouteillage
  • Étude du matériel de filtration
  • Essai en atelier d’itinéraire global

Durée du programme

3 ans (2009-2011)

Résultats

Suivi de l’évolution des phénols volatils en bouteille

27 cidres (6 pour la Haute-Normandie, 5 pour la Bretagne, 1 pour les Pays de Loire et 15 pour la Basse-Normandie) ont été suivis de leur mise en bouteille jusqu’à 18 mois de conservation à 20°C. Les résultats montrent que : i) l’évolution de la teneur en phénols volatils se produit majoritairement la première année et ii) que la teneur en phénols volatils à 6, 12 ou 18 mois après mise en bouteille est principalement due à l’évolution post-embouteillage, la contribution de la teneur à la mise en bouteille étant généralement minoritaire.

Evaluation et intérêt des tests de détection de Brettanomyces

Ces tests ont été développés pour l’œnologie, il a fallu les valider sur les souches cidricoles. Pour cela, trois souches de Brettanomyces anomalus issues du cidre, quatre flores levuriennes habituelles en cidrerie et 2 souches de bactéries ont été testées. Le Sniff’Brett et le milieu Oenodev mettent bien en évidence les souches de Brettanomyces : croissance et développement d’odeur typique des phénols volatils. Les autres microorganismes habituellement rencontrés dans les cidres testés n’engendrent pas de faux positifs. Il est a noter que Hanseniaspora valbyensys se développe sur ces 2 tests, mais elle ne produit pas d’odeur caractéristique.
La validation des deux tests en condition terrain à été réalisée sur 49 produits embouteillés à la fois au printemps 2009 et au printemps 2010. Les résultats montrent que les tests de détection rapide ne permettent pas un pilotage précis des lots mis en bouteille car les taux de faux positifs et faux négatifs sont importants.

Etude du matériel de filtration

L’étude du matériel de filtration a principalement été réalisée en 2009 sur 17 filtrations dans différents ateliers avec la comparaison de la filtration sur terre et de la microfltration tangentielle (MFT).
On constate une grande hétérogénéité dans le nombre de levures après filtration sur terre, les niveaux allant de 10 à 1000 ufc/mL. L’analyse plus précise des résultats montre qu’au sein d’un même atelier la performance de la filtration sur terre est variable d’un facteur 10 à 100. Ces résultats montrent aussi clairement que la MFT est plus performante que la filtration sur terre en terme de réduction de population levurienne et bactérienne et donne des résultats constants.

Essais de procédures prévenant un développement des phénols volatils suite à la mise en bouteille

Ces essais ont porté sur 16 cidres issus en majorité d’ateliers présentant des problèmes assez fréquents de développement de phénols volatils. Le principe était de comparer l’évolution après 6 mois de bouteille à 20°C d’un même cidre, soit embouteillé par le cidrier selon ses procédures habituelles, soit embouteillé à l’IFPC. Le cidre conditionné à l’IFPC a été microfiltré et embouteillé par un équipement préalablement stérilisé à la vapeur.

Les résultats (graphique ci-dessous) montrent que dans 15 cas sur 16 l’évolution post-embouteillage est nulle à négligeable pour le cidre embouteillé à l’IFPC, dans le cas restant, l’évolution est deux fois plus faible que celle constatéee sur le cidre mis en bouteille par le cidrier. Ces résultats sont confirmés par des dénombrements micro-biologiques effectués à la mise en bouteille et après 6 mois de mise en bouteille.

Evolution de la teneur en Ethylphénol dans 16 cidres entre
l'embouteillage et 6 mois de conservation à 15°C

Conclusion

Cette étude à montré (pour les produits non pasteurisés) l’importance de l’évolution post-embouteillage dans la production de phénols volatils composés marqueurs des odeurs dites « animales ». Les résultats montrent qu’il est possible par une MFT et une hygiène poussée du matériel de mise en bouteille de limiter très fortement l’évolution en bouteille et ainsi obtenir des cidres présentant une évolution en bouteille faible.

Néanmoins, il est aussi important de coupler ces mesures avec un bouquet technologique permettant de limiter la quantité de phénols volatils à l’embouteillage, car même en faible quantité (inférieure au seuil de détection), ces composés sont capables d’altérer le fruité des produits. Pour cette phase, il est conseillé d’avoir une cuverie à basse température, de limiter les assemblages précoces pour réduire la dissémination des levures Brettranomyces et d’avoir une hygiène rigoureuse du matériel utilisé.

Etude 2 : Acquisition de références sur les transformations malo-lactiques (TML) dites « précoces »

Contexte

La commission « Transformation » de l’IFPC a mis en évidence une demande importante de la part des conseillers cidricoles, relais des producteurs artisans et fermiers, de mieux maîtriser la transformation malo-lactique (TML) lors de l’élaboration des produits cidricoles.

Le cas des TML en cours de fermentation est relativement bien connu (occurrence, vitesse de réaction, microorganismes, cinétique…) même si elles ne sont pas maîtrisées. En revanche, peu d’éléments chiffrés existent sur les TML précoces qui se déclenchent entre le stade moût et le début de la fermentation alcoolique.

Sur le plan organoleptique, les TML précoces ont un impact sur les caractéristiques organoleptiques (baisse d’acidité, perte de finesse aromatique, couleur plus terne…).

Sur le plan de la stabilité bactérienne, les TML précoces entraînent une élévation du pH avec à la clé un risque accru de framboisé, de même qu’un risque accru de maladies dues aux bactéries lactiques ou encore un augmentation de la fréquence des produits présentant des phénols volatils. Lorsque les TML se sont déroulées de façon précoce avant embouteillage, elles perturbent la réalisation des assemblages dans le cas de cidres non pasteurisés, car on évitera d’assembler des cuves saines à des cuves où la TML est réalisée et à l’embouteillage. On amplifiera les techniques de stabilisation bactérienne du type sulfitage ou encore finesse des filtrations.

Sur un plan technique, la prévention de ces TML oblige à prendre un certain nombre de précautions préventives qui ont toutefois des limites :

  • Sulfitage du moût : le sulfitage est limité en cidres biologiques. De plus, en raison des allergies possibles, il est souhaitable de réduire les quantités utilisées. Le sulfitage peut aussi rallonger la durée de la défécation
  • Application de basses températures : le refroidissement des fruits ou des moûts oblige à investir dans des matériels. L’abaissement de la température du moût en sortie de presse à 8°C permet la plupart du temps d’éviter ou au moins de retarder le déclenchement de la TML, mais cette pratique augmente la durée de la défécation à une période de flux tendu où les cidriers ont besoin d’une rotation rapide des cuves. Le compromis d’une température de 10°C n’est pas suffisante dans la plupart des cas. L’association avec un sulfitage (25 à 30 mg/l) est efficace, mais elle prolonge la durée de la défécation
  • Application de pH bas en moût : l’obtention de moûts présentant une acidité assez importante a pour impact de limiter les possibilité d’élaborer des cidres peu acides, ce qui peut être problématique (cas du cidre Pays d’Auge par exemple).

Objectif

Effectuer un état des lieux sur les transformations malo-lactiques précoces. A partir des résultats collectés, l’action pourra être poursuivie vers une optique résolution des problèmes.

Durée du programme

1 an (septembre 2009 - septembre 2010)

Résultats

Caractérisation du phénomène

Les données issues des conseillers cidricoles (122 moûts, 585 prélèvements) ont permis de bien caractériser le phénomène de TML qualifié de précoce car il se déroule en moût contrairement à la TML classiquement observée en cidre en fin de fermentation.

L’analyse des conditions de pressage (tableau suivant) montre que la température du moût en sortie presse et lors de la clarification pré-fermentaire a un impact très fort sur la réalisation de TML précoces. Une température de moût sortie presse supérieure à 10°C couplée à une température en cuverie supérieure elle aussi à 10°C favorise les TML précoces ; 100% des moûts ayant fait une TML précoce sont réalisés dans ces conditions.              

Température de moût sortie presse

< 10°C

10-15°C

> 15°C

Température du moût   
en cuverie

 < 10°C  

   0 cas sur 5  

   0 cas sur 14  

   0 cas sur 1  

> 10°C

-

   5 cas sur 11

-

 La limitation des TML précoces passe donc par une bonne gestion de la température du moût en sortie presse (emploi d’un refroidisseur) et d’une température de cuverie inférieure à 10°C.

La TML précoce a pour caractéristique d’être très rapide ; en 10 à 20 jours après pressage, la TML est réalisée à plus de 80%. Elle est favorisée par des températures supérieures à 10°C en moût sortie presse, mais aussi en cuverie lors de la phase de clarification pré-fermentaire (point souvent négligé). On confirme en partie les données acquises sur le terrain ces dernières années sur l’influence de la date de pressage avec une prévalence de TML précoce diminuant lors des pressages les plus tardifs (novembre / décembre) associés avec des températures plus faibles des moûts en sortie de presse.

Quels sont les microorganismes impliqués

Les prélèvements effectués en 2009 n’ont pas permis d’isoler les bactéries responsables de ce phénomène. Le dénombrement des microorganismes responsables de la TML précoce n’est pas aussi simple que celui des bactéries responsables de la TML classiquement observée (Oenoccocus oeni). Les travaux d’optimisation des milieux de dilution et de culture réalisés au printemps 2010 sur des bactéries lactiques potentiellement responsables de TML précoces n’ont pas permis d’isoler des populations plus importantes de microorganismes à l’automne 2010 ; il existe toujours un décalage important entre les populations mesurées (105ufc/mL) et les vitesses de TML observées : disparition de 2 à 4g/L d’acide malique en une semaine.

Les tests d’aptitude à la TML sur milieu cidre, d’une trentaine de microorganismes isolés lors de la campagne 2010, n’ont pas permis de mettre en évidence de microorganismes réalisant une TML précoce.

Conclusion

Les résultats obtenus confirment bien le phénomène observé de TML précoces et l’impact des températures. Il est néanmoins impossible de conclure sur les stratégies alternatives au sulfitage en moût car les microorganismes impliqués étant très difficiles à collecter.

Dans le cadre d’un projet lauréat de l’appel à projet CAS DAR 2011 auquel participe l’IFPC (Améliorer la qualité des vins et des cidres biologiques obtenus par l’utilisation des levures et bactéries indigène « LEVAIN BIO »), un travail sera réalisé par l’IFPC et l’ISVV (Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, unité de recherche œnologie (EA 4577), université de Bordeaux Segalen) pour la collecte, l’isolement et la caractérisation des bactéries responsables des TML précoces.

 

Fiche mise à jour le 30 août 2012.

 
 
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